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Autisme et psychanalyse transgénérationnelle

Cet article, écrit pour Généasens par Bruno Clavier psychologue clinicien et psychanalyste, est sous copyrigth ©.
Toute forme de reproduction doit être soumise à l'autorisation à l'auteur.

Le cas d’Aline, une enfant autiste

Ce cas est publié avec l'accord des parents d'Aline

Cet article se propose d’aborder  la question de l’autisme à la lumière de la psychanalyse transgénérationnelle telle que je la conçois et pratique dans l’héritage de Nicolas Abraham, Maria TorokFrançoise Dolto et Didier Dumas. Tout d’abord, les nombreuses études d’arbres généalogiques et ma clinique psychanalytique avec les adultes et les enfants m’ont fait intégrer la pensée transgénérationnelle non seulement au niveau théorique mais surtout pratique. Des disparitions spectaculaires de symptômes dans le cadre de pathologies diverses chez les enfants, après une prise en compte systématique des traumas de leurs parents couplée avec l’analyse de leurs arbres généalogiques, n’ont fait que me conforter dans ma conviction que la clinique ne peut plus être pensée aujourd’hui sans cette triple prise en compte : le trauma des enfants, celui de leurs parents et celui de leurs ancêtres. J’ai traité peu d’enfants qui avaient subi des traumas personnels ; par contre, nombre d’enfants présentant de graves symptômes alors qu’ils baignaient depuis leur petite enfance dans un milieu plutôt sain et protégé  m’ont amené à me concentrer sur leurs parents et leurs ancêtres, à plus forte raison quand dans la même fratrie les autres enfants allaient bien. La coopération des parents est indispensable pour cette clinique et il est exceptionnel que je reçoive l’enfant seul. Ce n’est que dans la prise en compte de cette psyché communautaire de l’enfant avec ses parents et ses ancêtres que l’on peut vraiment travailler l’aspect transgénérationnel des traumatismes.

Je vais vous présenter le cas d’Aline, une enfant de 7 ans et demi, diagnostiquée syndrome d’Asperger. Je ne prétends pas donner un panorama de la clinique psychanalytique de l’autisme, mais un aspect que j’ai rencontré et qui me conforte dans l’idée que la psychanalyse transgénérationnelle et en particulier en ce qui concerne les autistes, est un outil important dans le traitement de ce trouble. Le refus de prendre en compte l’origine transgénérationnelle de l’autisme, a selon moi conduit à des dérives psychanalytiques, notamment dans la culpabilisation des mères. L’avantage de l’approche transgénérationnelle est que, si d’un côté elle situe une partie de l’origine des troubles dans la structure psychique des deux parents, elle contient par contre l’idée qu’il faut toujours remonter les générations pour vraiment comprendre l’origine du problème, qui n’a pas été une « faute » d’un ancêtre, mais un défaut de parole chez un ancêtre, ce qui n’est pas la même chose. J’ai ainsi affaire la plupart du temps à des parents quasi irréprochables et des enfants qui vont très mal : en effet, l’origine de l’autisme se situe dans les générations précédentes et la première chose à faire est de sortir de la culpabilisation. Ainsi, par exemple, le décès d’enfants aux générations antérieures a pu créer ce que l’on appelle un fantôme transgénérationnel d’enfant mort se transmettant de génération en génération ; c’est le trauma psychique vécu par l’ancêtre -le parent de l’enfant mort- qui, n’ayant pas pu être métabolisé en son temps, va hanter les générations suivantes. Et c’est précisément ce qui me semble être arrivé à la petite Aline et je vais tenter de montrer comment elle porte les traumatismes des enfants non nés de sa fratrie.

Ses parents se sont aperçus que quelque chose n’allait pas alors qu’elle avait environ deux ans et demi. Elle n’a marché qu’à 23 mois, sans motricité fine ( la motricité fine représente la capacité de faire avec précision des petits gestes de la main en gardant une bonne coordination entre les doigts et l’œil). C’était, selon eux, « un bébé  parfait », toujours calme, jamais en colère ;  Aline mangeait, dormait et c’était tout.

Première séance

Quand Aline vient avec ses deux parents, elle va faire un premier dessin puis demande à se reposer, se couche sur le lit divan que j’ai dans mon bureau et prend son pouce pour s’endormir. Je dis aux parents que même en dormant Aline va faire la séance avec nous.

La mère d’Aline commence alors à raconter son histoire : (ci-dessous, un premier tronçon d’arbre généalogique)

 

 

Sa première grossesse s’est conclue avec un avortement  en 1996, une IVG thérapeutique à quatre mois, pour cause de malformation du fœtus. On ne voulait pas prendre le risque de cette IVG dans les hôpitaux en France, elle a donc été la faire à l’étranger. Elle y est allée sans son mari, qui ne pouvait absolument pas l’accompagner à cause de son travail. Toute seule pour cela, elle a vécu très mal l’événement car l’enfant est parti « en morceaux » au cours d’une opération longue et traumatisante. Elle a pensé cet avortement comme celui d’un garçon. En 2000, elle a fait une fausse couche mais dit qu’elle ne l’a pas forcément vécue comme traumatique. Puis en 2001 est venu Bernard, qui va bien. En 2004 est arrivée Aline, suivie d’une « jumelle » en 2010 ( un œuf a été  expulsé à un mois et demi de grossesse : la mère a cru avoir perdu son enfant car elle ne savait pas qu’elle avait une grossesse gémellaire)  

Voici le premier dessin d'Aline.

 

 

Pour ce premier dessin, elle donne peu d’explications claires mais elle dit qu’en haut (à gauche) c’est deux petits bonhommes, en bas à gauche, c’est une fille et en bas à droite, une dame fille. A droite des deux petits bonhommes en haut, elle ne dit pas ce que c’est cette forme. Mais par contre, la forme en haut à droite, c’est la main d’Aline, sa main. Puis elle dit : « la main, c’est trois ». Pour les personnages, elle ne veut pas en dire plus.

Dans ce genre de cas, j’associe alors moi-même puis j’essaie de vérifier par la suite; je pense soit qu’il s’agit des trois enfants vivants et de leur mère, soit des trois enfants morts et de leur mère. Le personnage d’en haut à gauche n’a pas l’air d’aller très bien : est-ce Aline ? La dame d’en bas est certainement la mère, quant à la fille à ses côtés je pense que c’est la petite jumelle mais peut-être est-ce aussi Aline ? Le père n’est pas représenté car il n’existe pas en tant que père. Il faut comprendre que quand les parents sont ensemble, Aline n’a aucun rapport avec son père. Seule avec lui, elle a le même contact qu’avec sa mère.

Malgré la difficulté à comprendre qui est qui dans ce dessin, ce qui m‘intéresse et m’interpelle, c’est la main. Pour les parents, il ne s’est rien passé de significatif en rapport avec la main dans la vie d’Aline. Je demande alors comment s’est passé la fausse couche, la mère me répond « aux toilettes » et le fœtus est parti en petits morceaux avec l’eau de la chasse. Il y a donc eu une sorte de répétition du traumatisme de l’avortement qu’elle avait déjà signalé comme étant « parti en morceaux ». Je lui demande s’il s’est passé quelque chose de notable avec sa main : elle répond qu’elle a ramassé les morceaux de la jumelle morte à la main, dans les toilettes. Je pense alors que c’est la main de sa mère qu’Aline a représentée dans le dessin.

Première observation : Françoise Dolto recommandait d’observer tout ce qui se passait en séance avec les enfants. En effet, tout y est signifiant et tout dessin a du sens, d’autant plus quand je demande à ce que le dessin soit fait pour moi. Deuxième observation : pourquoi la main d’Aline dans le dessin est-elle en fait la main de sa mère ? Parce qu’Aline est complètement dans l’originaire, Aline se vit comme « moi-maman », elle n’est que dans le « deux qui fait un » : le père, le trois, n’existe pas dans sa structure psychique.

La première des choses théoriques à comprendre vis-à-vis de l’autisme, c’est que ces enfants sont très fortement restés dans l’originaire qui caractérise le stade fœtal et les premiers mois de la vie, voire jusqu’au début de l’Œdipe vers deux ans et demi. L’originaire a été théorisé par Piera Aulagnier et repris par Didier Dumas, je le cite, qui décrit l'activité mentale originaire comme celle qui "explique que le bébé puisse considérer le sein comme une partie de son propre corps" car "avant que l'enfant ne parle, avant la constitution du "je", le tout-petit ne dispose pas encore d'un appareil psychique clos et séparé des autres ". Aline a un développement corporel, ce qui n’est pas tout à fait vrai en ce qui concerne la motricité fine (habileté manuelle etc.), d’un enfant de son âge. Par contre, pour ce qui est du développement psychique, elle est restée dans l’état originaire, quasi fœtal, celui dans lequel le temps et l’espace personnel n’existent pas encore. Aussi, elle n’est pas encore inscrite dans son temps et son espace à elle, ce qui fait qu’elle est située dans tous les temps et dans tous les espaces, c’est-à-dire dans le passé de la généalogie de ses parents, au niveau du temps, et dans le corps de sa mère, au niveau de l’espace. Elle est en même temps dans le corps et dans la tête de sa mère. C’est cet aspect originaire de l’enfance qui m’a permis de comprendre que tous les enfants -pas seulement les autistes- savaient ce qui s’était passé avant leur naissance : ils dessinaient ainsi des fausses couches ou des avortements qu’ils n’avaient pas connus ni sus ! La main qu’a dessinée Aline se réfère au traumatisme de sa mère, aux trois enfants qu’elle a perdus (« la main c’est trois ») et c’est le discours de la mère sur ces traumatismes en présence de sa fille qui va apporter libérer Aline de la mémoire de ces traumatismes dont elle est porteuse. Mais l’enfant est également dépositaire des traumatismes qui ont eu lieu dans la généalogie de ses parents.Ainsi l’autiste, tout comme le psychotique de la famille, est le témoin de la mémoire traumatique de sa généalogie, il tente à travers ses symptômes de représenter l’irreprésentable des générations passées. 

 


Le commentaire : (personnage en haut) « Ça c’est maman. Elle est sur la tête, j’ai pas fait les cheveux. » Dans ce dessin, vous pouvez observer trois boules rouges. Vous allez voir que les trois boules rouges sont visibles dans la plupart des dessins. J’avais déjà observé sur des dessins d’enfants de trois-quatre ans que les fœtus morts étaient représentés par des boules rouges pleines. Les êtres vivants par des boules non pleines. Pour moi, ces trois boules rouges sont les trois enfants morts de sa maman qui l’ont mis sur la tête (on pourrait dire lui ont mis « la tête à l’envers » ; j’ai pas fait les cheveux : maman n’est plus reliée à la terre par ses cheveux car les cheveux c’est ce qui relie à la terre). Pendant presque tout le reste de la séance, Aline a dormi, pendant que sa mère parlait de ses traumatismes et de sa généalogie. Le père était présent, mais nous avions décidé de le faire intervenir plus tard, lors des prochaines séances.

Deuxième séance

Quand elle est rentrée chez elle, dans les jours qui ont suivi, elle a joué toute seule pour la première fois et est devenue très désobéissante. J’explique aux parents que bien que cela ne soit pas facile pour eux, c’est un signe d’évolution. Son moi commence à exister et à la base, on ne peut exister que dans le « non ». Pendant la séance, elle est très concentrée, elle n’est plus dans « les limbes » comme la fois précédente. Elle n’arrête pas de dessiner pendant que la mère explique leur généalogie et raconte en détail ses traumatismes de mère. Voilà la succession des dessins : je voudrais vous montrer que ce n’est pas n’importe quoi et qu’au fur et à mesure des dessins, il y a une sorte de dissolution pour Aline de la question des enfants morts de sa mère, comme si elle les expulsait d’elle. Mais elle les accompagne, à mon avis, de tous les traumatismes d’enfants morts de ses deux généalogies symbolisés par une multitude de petites boules rouges pleines.

Voici une partie de la généalogie des deux parents. Je ne la commenterai pas parce que le travail est en cours et qu’il faut un certain temps avant de comprendre comment les traumatismes antérieurs sont venus créer des incidences sur la génération actuelle, c’est-à-dire chez les parents d’Aline. Cependant, il m’apparaît clairement à travers ses dessins qu’Aline porte ces traumatismes tout autant que ceux concernant sa fratrie.

 

 

Aline m’avait fait un dessin la veille, ci-dessous les chats noirs, une grande tâche noire et trois taches noires plus petites que j’interprète comme sa mère et ses trois enfants morts.

 

 

Dans la succession de dessins qui suit et que j’ai gardée dans l’ordre chronologique, c’est comme si elle captait et laissait partir au loin tous les enfants morts de ses lignées.Dans ce premier dessin, elle décrit son père, pour la première fois, et son frère et sa soeur.

 

 

« Le grand bonhomme c’est papa » : il est pratiquement chaussé, à ses pieds, de deux boules rouges et je pense que la petite est envahie par les enfants morts de ses deux lignées et dans ce dessin de ceux de son père : on peut penser que les deux jumelles mortes, sœurs du père, ont créé un tel traumatisme à la génération antérieure qu’il est resté « lesté » aux pieds ( et dans la tête, rouge elle aussi) par les morts de ses sœurs. Puis à partir du dessin ci-dessous, on peut observer une sorte de procession d’enfants morts partant vers la droite (boules rouges pleines), avec les vivants au bout à gauche (boules vides), je pourrais dire une sorte de mouvement de procession dans l’espace, comme si les morts repartaient au loin vers la droite.

 

 

Au fur et à mesure de la séance, il y a eu une succession de dessins dans lesquels on voit peu à peu la dissolution de l’ensemble des boules rouges (les morts de la généalogie) par la droite pour laisser à gauche les trois enfants morts (trois boules rouges) DESSIN CI-DESSOUS .

 

 

Tandis que les autres partent seules. DESSIN CI-DESSOUS

 

 

Ne restent enfin que des trois boules rouges pleines (les morts de la fratrie d’Aline) parmi les vivants, boules vides.

 

 

On retrouve ensuite ci-dessous, un dessin extrêmement important qui rappelle celui des tâches noires faites la veille ( quatre chats noirs), cette fois ci , une figure de chat ( la mère) , les trois taches noires ( enfants morts) et le reste étant des vivants.

 

 

Il s’agit là du processus de deuil : en effet les boules rouges pleines sont fantomatiques, ce sont des enfants morts mais encore gorgés de vie pulsionnelle, le rouge. Pouvoir dessiner une Maman - chat noir figuré et des boules noires comme dans ce dessin- montre que le processus de deuil a pu se mettre en place, par le fait que maman a pu parler de ses trois traumatismes au thérapeute devant sa fille. Ce dernier dessin ci-dessous annonce la suite : Aline dessine des boules vides de couleur qui remplissent l’espace avec elle -ou peut-être sa mère- entière : la vie, tandis que les morts ont pour l’instant été dissous de sa mémoire.

 

 

 

Troisième séance

 

Aline a encore fait des progrès, elle procède par imitation, ce qu’elle ne faisait pas avant, et devient indépendante. Elle devient capable de se servir de l’ordinateur, montre et nomme les parties de son corps, ce qu’elle n’avait jamais fait.

Au début de la séance, elle ne veut rien faire et je décide de la pousser à dessiner. Ceci provoque une colère monumentale et à ce moment-là je lui parle de la colère et de l’angoisse de détruire.

Je lui dis : « Oui, tu as peur de tout détruire autour de toi, ne t’inquiètes pas, rien ne sera détruit  ». Elle me regarde et se calme.

En effet, je pense qu’Aline n’avait pas encore traversé la phase schizo paranoïde (c’était un bébé « parfait »), phase de la première année où pour exister il faut pouvoir exercer sa colère et la possibilité de la toute-puissance de sa destruction. Je ne suis pas du tout d’accord avec la conclusion de Mélanie Klein à ce sujet : si la position paranoïde existe bel et bien, elle réclame de l’adulte une garantie d’accueil et de douceur qui  fait qu’elle ne peut pas se fixer pour la suite dans le système d’agressions et de bombardements internes incessants tel que Mélanie Klein le décrit. Mélanie Klein envisage cette position sans jamais penser à celle de l’adulte, qui par un système de réponse à « l’agresseur » crée les conditions de la guerre interne chez l’enfant qu’elle décrit par la suite. Pour penser cela, il aurait fallu que Mélanie Klein remette en question la folie de sa mère, ce qu’elle n’a jamais pu faire. Pour Mélanie Klein, l’agressivité manifestée par l’enfant envers celui qui l’a frustré engendre la croyance en un acte de rétorsion sur l’enfant, d’une intensité égale à l’agressivité initiale. Cette crainte engendre des attaques fantasmatiques encore plus fortes contre le supposé persécuteur tout cela dans une sorte de crescendo d’une agressivité projetée, ce qui lui donne ce caractère paranoïaque, d’où le nom position schizo paranoïde. Dans la théorie de Mélanie Klein, rien n’est dit de l’action et du fantasme agressif éventuel de celui qui a frustré l’enfant. Aussi, en nommant et accueillant la colère destructrice d’Aline, je lui garantis qu’il n’y aura pas de rétorsion de la part du monde qu’elle a voulu ainsi détruire. Elle peut donc se calmer. Elle fait le dessin suivant avec les lettres de son nom, elle commence à exister dans le « symbole », elle a une place individuée.

 

 

Et Puis des séries de dessins avec des 9 (des n’œuf ?).

 

 

Pendant que sa mère raconte un épisode où elle est tombée avec Aline dans un escalier -la mère s’est fracturée le poignet- ainsi que d’autres épisodes de chutes, Aline saisit un œuf en pierre qui se trouve sur mon bureau et le laisse tomber, après quoi elle va se coucher avec l’œuf. Je dis à la mère que c’est comme cela que les enfants témoignent d’un avortement. Pour moi les chutes graves des enfants dans les escaliers se réfèrent souvent à un avortement de la mère. Aline fait ensuite de nombreux dessins  avec des 9 et des C. Puis toute une série de dessins avec des lettres et des chiffres. Elle en fait un nombre incalculable. Je sais alors qu’elle est en train de négocier le stade anal, c’est-à-dire la structuration de la pensée et la canalisation de l’agressivité anale par un système de signes et de classements. C’est ainsi que les grands obsessionnels canalisent dans leurs actes obsessionnels, les angoisses de mort et d’agressivité. A la différence d’Aline, ils sont adultes et coincés à ce stade tandis que je pense qu’Aline va pouvoir le traverser, et en sortir.

Je voulais témoigner de ce travail en cours à propos de l’autisme ; j’ai eu l’accord des parents d’Aline qui souhaitent faire ainsi avancer les choses dans ce domaine. Ma démarche thérapeutique est d’aider Aline à retraverser les stades de sa petite enfance en repartant de là où elle s’était arrêtée, à l’âge d’environ un an- un an et demi, ce qui se témoigne dans la plupart des comportements et des dessins. Elle est donc entrain de repasser par les stades précoces du non, du refus ; elle prend possession de son corps, le nomme comme le fait un enfant de deux ans, et si elle continue à travailler avec moi et ses parents, on peut raisonnablement espérer qu’elle récupère peu à peu, en traversant les étapes qu’elle n’a pas pu traverser, un maximum d’aspects normaux chez une enfant de son âge, c’est-à-dire sept ans.

L’intégration du père représentera un gros travail, qui nous amènera à le faire entrer beaucoup plus dans le processus thérapeutique, de façon à ce qu’Aline puisse avoir par exemple accès à la phase du tiers et de l’Œdipe, qui marque le début de la socialisation réussie.

J’espère que ce témoignage pourra contribuer à montrer qu’il y a un avenir pour l’autisme dans le travail psychanalytique, à condition que ce travail prenne en compte les avancées de la psychanalyse transgénérationnelle. Je ne crois pas que la psychose, les troubles obsessionnels graves ou l’autisme soient en général le résultat d’une enfance qui s’est mal passée : sinon il y en aurait beaucoup plus et il faut avoir rencontré des « résilients » pour comprendre qu’on peut relativement bien s’en sortir avec des conditions précoces très difficiles. Les autistes sont à mon sens porteurs des traumas de leurs parents ou de leurs ancêtres, ou des deux comme il me semble pour Aline. Et mon expérience avec les enfants gravement atteints psychiquement m’a montré qu’il fallait parfois en trouver l’origine à plus de trois générations antérieures. Aline qui est "dans les structures psychiques de sa mère" (l’originaire), ne porte pas son trauma de fille mais l'incorporation du trauma de sa mère. Lors des séances, en lui parlant de son propre trauma, la mère libère sa fille : elle évite à sa fille de prendre en elle ses traumas de mère. C'est une notion fondamentale de psychanalyse transgénérationnelle : l'enfant thérapeute de son parent.

L'auteur